Le loup «mal aimé» désormais accusé d’être inspiré d’un livre jeunesse
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Signé Henri Meunier, auteur-illustrateur, avec lequel le CRILJ31 a souvent travaillé
Reproduit avec son aimable autorisation
La fin annoncée de la collection d’albums de l’éditeur qui a porté depuis trente ans une littérature riche et inventive est un coup dur pour la profession. Mais elle est aussi le signal que nous devons encore nous battre, inlassablement, pour une création exigeante.
« En 1993, avec Jojo la mache d’Olivier Douzou, un renouveau joyeux secouait le monde de l’album. De jeunes auteur·es embarquaient avec lui dans l’aventure des éditions du Rouergue. Pour d’autres dont je suis, les premiers albums du Rouergue furent une révélation, celle d’une littérature singulière, ludique, exigeante, inventive, fuyant les réponses normatives pour ouvrir des espaces émotionnels et sensibles.
Il y eut un avant et un après les albums du Rouergue. Toute l’édition jeunesse européenne en fit profit. De 1993 à aujourd’hui, ce labour s’est poursuivi sans relâche. Accumulant les prix nationaux et internationaux, participant plus que sa part à l’image d’excellence dont bénéficie la création littéraire jeunesse française dans le monde.
«L’époque n’est plus aux projets ambitieux»
En juin dernier, la direction de cette petite maison du groupe Actes Sud a mis un point final à cette histoire. D’un mail lapidaire, douze lignes, s’ouvrant sur un aveu sidérant : «Il semblerait que l’époque ne soit plus aux projets ambitieux qui ont fait la renommée du Rouergue.» De fait, l’équipe éditoriale historique a été remerciée. L’essentiel des projets en cours a été annulé, au mépris des contrats signés. Deux promesses imprécises ont été esquissées par la direction : les livres existants restent une priorité et un secteur album régénéré reviendra. L’avenir montrera si ces promesses valent plus que les contrats signés. On ne peut que l’espérer. C’est une responsabilité patrimoniale. L’exceptionnel catalogue album du Rouergue ne peut pas disparaître. Et sa pérennité dépend pleinement du dynamisme de la maison elle-même.
En attendant, une ligne éditoriale irremplaçable est morte. C’est acté.
Ce deuil ne sera pas facile à faire, essayons d’en tirer quelques réflexions.
L’érosion des ventes est là. Indiscutable. Cette diminution frappe l’ensemble des éditeurs. Nombre de petites et moyennes structures sont en situation critique. Toute la chaîne du livre en souffre. Les explications de ces méventes sont multiples : sociales, économiques et culturelles. Parmi elles, il en est une alarmante. La pratique de la lecture chez les jeunes, jusqu’ici en progression constante, est en perte de vitesse. Le suivi du Centre national du livre (CNL) le prouve. L’Insee le mesure. «Le pourcentage d’élèves en difficulté face à l’écrit a augmenté de manière significative.» Il faut inverser cette tendance. L’édition jeunesse doit en prendre sa part.
Hélas, le mail de la direction du Rouergue dessine en creux une stratégie symptomatique que suivent de nombreux éditeurs. «L’époque n’est plus aux projets ambitieux.» L’ambition, en littérature ? Pour les enfants qui plus est. Pop Pop !
Coups de haches
Un inquiétant repli est en cours dans l’édition jeunesse. Sous la pression d’une direction – souvent elle-même sous le joug d’actionnaires – les éditeurs salariés repoussent les projets jugés difficiles. Les résultats sont nets. Les librairies sont saturées de livres consensuels. Déjà vus, déjà lus, sans idées, sans proposition artistique. Une vraie littérature d’IA.
Notons aussi que les coups de haches qui frappent le Rouergue, révèlent crûment l’explosive précarité des créateurs dans l’édition jeunesse. Editeurs, directeurs artistiques, prestataires créatifs, souvent mal payés, sont sous pression. Et passibles de licenciements secs, même s’ils produisent de bons livres. Les auteur·es de mots et d’images, quant à eux, travaillent à crédit. Les avances ne permettent jamais de financer le temps de conception d’un livre. Pour être payés, il leur faut espérer que s’accumulent, centimes après centimes, des droits d’auteur, dont les pourcentages sur ventes sont notoirement insuffisants. Déjà ravagé par des années de surproduction, ce contexte de mévente fragilise encore l’équation. Elle est devenue intenable.
Tout cela n’augure rien de bon. Pour les enfants lecteurs et les auteur.e.s, quel avenir s’annonce ici ? Pour le rayonnement de la littérature de jeunesse française, c’est dramatique. Quant à espérer un retour des enfants vers la lecture et un rebond des ventes, avec une production sans ambition, la plaisanterie est triste. Les non-livres ne produiront jamais le moindre vrai lecteur.
Espérons que les ambitieux résilients, auteur·es et maisons d’édition, sauront se retrousser les manches, sauront se retrouver des maches. »
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